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1952 : Conçue dans le plus grand secret

samedi 10 avril 2004, par Jean-Jacques


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Sur les ailes, l’écusson de ce modèle présenté à la presse n’est pas celui de Facel-Métallon, mais il symbolise deux "F", celui de Facel et celui de Farina qui a largement participé à la création stylistique de la Comète.

Trois années de production à peine. La Comète a traversé l’histoire de l’automobile à la vitesse du météore, faute d’avoir pu trouver sa place dans une gamme Vedette trop haut de gamme pour son époque et au sein d’une entreprise qui connaîtra deux présidents durant sa pourtant très courte carrière qui, commencée chez Ford-SAF, s’achèvera chez Simca ! Pas étonnant que ce coach luxueux ait eu du mal à s’imposer...

La Comète a été étudiée en secret, et en dehors du bureau d’études Ford. Pour l’essentiel, les cadres de la société n’étaient même pas au courant jusqu’à ce que François Lehideux ne les convie à un déjeuner, à l’auberge de la Moutière, à Montfort-l’Amaury. C’est là qu’ils découvriront l’un des deux modèles qui, quelques jours plus tard, ralliera Biarritz pour une présentation plus officielle.


L’après-guerre vécue par l’usine Ford-SAF de Poissy est à l’image du fiasco économique qui va précipiter cette filiale française « bien encombrante » aux yeux de la maison-mère dans les bras de Simca, l’autre constructeur « étranger » (les capitaux de Simca sont essentiellement italiens et suisses, Fiat étant son principal actionnaire, via des holding), une suite ininterrompue d’erreurs et de conflits internes. La Vedette, berline haut de gamme censée relancer la production, sort trop tôt et les nombreuses pannes rencontrées par ses propriétaires altèrent une image pourtant flatteuse lorsqu’elle est présentée à la presse. Certes, Ford-SAF rembourse sans discuter les frais occasionnés, mettant un point d’honneur à aller jusqu’à prêter des véhicules de remplacement, le temps que les réparations soient effectuées à ses frais. Mais l’addition est astronomique et, à l’été 1949, le président de la Ford-SAF, Maurice Dollfus est contraint à la démission. Il est remplacé par François Lehideux, ancien administrateur de Renault (il a épousé Françoise Renault, nièce du fondateur de Billancourt), ancien ministre vichyssois et dirigeant du Comité de l’Organisation Automobile de 1940 à 1944, qui ne prendra effectivement ses fonctions qu’au 1er janvier 1950.

Daninos aurait aimé produire également des
cabriolets en reprenant le dessin de la Comète.
Deux exemplaires seront ainsi produits, mais refusés par Lehideux, qui jugeait leur coût trop prohibitif.


L’homme a du caractère, et pour parvenir à ses fins, il ne s’embarrasse pas de considérations humanistes. On lui a demandé de redresser la situation. Il va s’y atteler, en commençant par couper les ailes du Comité d’entreprise dont il juge la gestion désastreuse et le comportement irresponsable. La grève qui s’ensuit est terrible, s’achevant par la prise d’assaut de l’usine par les forces de l’ordre. Les quatre semaines de lutte intense laisseront des traces indélébiles et on ne comptera plus les heures chômées sur le plus anodin des prétextes. Mais Lehideux a gagné du temps, et en licenciant les meneurs, une plus grande liberté de manœuvre. Et pour bien montrer qu’il est désormais seul maître à bord, il fait étudier un coach, en dehors du bureau d’études Ford. « Je ne voulais pas être soumis à la pression de Ford Motor Company, expliquera-t-il plus tard, je voulais voir le premier prototype avant de prendre une décision définitive en production. » C’est Jean Daninos et sa société Facel Métallon qui sont chargés de développer, dans le plus grand secret, un « coach luxueux d’un style sinon français, du moins européen, d’un style latin. » Lehideux ayant particulièrement apprécié son travail pour Simca, avec la 8 Sport conçue conjointement avec le Stabilimenti Farina, dirigé par Giovanni Farina, le frère aîné de Pinin (c’est ce qui explique que le tout premier prototype portera le nom de Facel-Farina).

C’est de face que la Comète séduit le moins, avec sa calandre traversée par une grosse barrette et un "obus" massif en inox.


Cette fois encore, les esquisses et dessins sont réalisés en Italie, Daninos adaptant au châssis de la Vedette des croquis d’une rare élégance. Il faudra moins de huit mois pour réaliser ainsi un premier prototype qui tient compte des remarques et desiderata de Lehideux. C’est court, et ça ne permet évidemment pas d’installer sous le capot une mécanique plus puissante comme le souhaite le patron de Ford-SAF. Mais ce n’est que partie remise. C’est évidemment l’usine Facel qui sera chargée de la mise en production, mais pour l’heure, la presse entière se presse pour admirer la nouvelle venue, le 17 août 1951, dans le cadre prestigieux du golf de Chiberta, à Anglet, près de Biarritz. Deux jeunes filles, dont la chanteuse du groupe Xavier Cugat qui assure l’animation, présentent deux prototypes : une version couleur noire, et une autre bleu pervenche immatriculés 7313 AK 78 et 7314 AK 78. Frantz Ley, grand spécialiste de la Comète, détaille les différences par rapport aux modèles qui seront diffusés : « le rétroviseur n’a pas encore d’éclairage incorporé, les crosses de pare-chocs AR reçoivent deux catadioptres. Un fort grossissement de l’image permet d’affirmer que l’écusson de bas d’aile ne porte pas le "F" et le "M" de Facel-Métallon comme sur les voitures de série, mais le "F" de Facel et le "F" bien connu de Farina (comme la Bentley Cresta). Au contraire de Henri-Théodore Pigozzi qui a "simcaïsé" et récupéré les productions Facel, François Lehideux a voulu que sa Comète se différencie de Ford. Aucun logo de la marque de Detroit n’est d’ailleurs visible sur la voiture, à l’exception de la plaque châssis). »

Le deuxième prototype présenté à la presse est immatriculé 7313 AK 78 et il est couleur noire.


Cette présentation prélude à la mise en production des premiers exemplaires, dans l’usine Facel Métallon de Dreux, dans l’Eure, la toute première Comète "de série" sortant le 15 septembre. Elle intègre les ultimes modifications intervenues entre-temps mais elle doit, surtout, essuyer la colère des dirigeants de Dearborn, vexés de n’avoir pas été prévenus de la sortie d’un tel modèle. « J’ai commis là, peut-être, une erreur psychologique en jouant la carte de l’indépendance, reconnaîtra François Lehideux. Plus tard, lorsque Henry Ford II est venu en France, nous lui avons donné trois Comète avec lesquelles il a fait le tour de l’Europe. Il est revenu enthousiasmé et m’a demandé qu’on lui en expédie quelques exemplaires aux USA pour sa famille. Il m’a dit alors avec un certain agacement : "c’est quand même invraisembable qu’une voiture comme celle-là ait été étudiée et construite en dehors de mes bureaux d’études !" Il manifestait une certaine admiration mais aussi une certaine amertume - voire une certaine jalousie - au fait que les Français aient pu sortir une aussi jolie voiture avec si peu de moyens. »
De fait la Comète est incontestablement une réussite esthétique. Le centre de gravité a été abaissé par rapport à la Vedette mais elle n’emprunte guère que le châssis à sa grande sœur, toute la caisse (soudée électriquement au châssis) étant différente. Mais si de profil, la ligne est d’une beauté à couper le souffle, la face AV avec sa volumineuse calandre à moustache dotée d’un "obus" central en inox est moins convaincante, soulignée, qui plus est, par un pare-chocs en inox lourd et deux crosses proéminentes qui accueillent les clignotants. Quatre phares encastrés complètent ce tableau. A l’AR, on retrouve les énormes crosses avec clignotants intégrés, les feux de position prenant place sur les ailes. La lunette AR est largement bombée et en trois parties. A l’intérieur de la malle, la roue de secours est positionnée à la verticale, côté droit mais, surtout, l’orifice de remplissage d’essence est ménagé sur le plancher, côté gauche ! C’est loin d’être pratique... L’ouverture de la malle AR se fait par l’intermédiaire de deux poignées identiques à celles qui sont montées sur les Simca 8 Sport, produites également dans l’usine Facel-Métallon de Dreux. Les roues à voile plein de 15 pouces sont masquées par de grands enjoliveurs en inox. A l’intérieur, la planche de bord est galbée, avec fond en inox rainuré. L’équipement offert est beaucoup plus complet que sur la Vedette, avec une montre électrique, un cadran regroupant la jauge à essence, l’ampèremètre, le thermomètre de température d’eau et le manomètre de pression d’huile, un compteur de vitesses, un compte-tours, un emplacement prévu pour l’installation d’un auto-radio, et un coffre à gants. Le volant est à trois branches avec un moyeu proéminent en forme de demi-coquille d’œuf. Les sièges AV sont séparés et basculent pour livrer le passage à la banquette AR (la place dévolue aux passagers est loin d’être imposante, c’est le moins qu’on puisse dire). Un cendrier prend place dans chacune des portières. Si donc la carrosserie et les finitions en font une voiture de haut de gamme plutôt enthousiasmante, la mécanique n’est pas à la hauteur. Elle est strictement celle de la berline Vedette, un V8 Ford à soupapes latérales dont la conception commence à dater. Sa cylindrée est, dans cette configuration, fixée à 2.158 cm3 pour 66 ch SAE à 4.500 tr/mn (les Matford 13 CV d’avant-guerre adoptaient, elles, une version de 2.225 cm3 développant 60 ch à 3.800 tr/mn), et c’est manifestement insuffisant compte tenu du poids de la Comète (1.320 kg à vide). Certains essayeurs, l’Auto Journal en tête, n’hésitent d’ailleurs pas à déplorer cette sous-motorisation, acceptable sur une berline, « voire sur un tracteur », mais indigne d’une voiture au look de sportive. Seul avantage de cette mécanique, une souplesse appréciable et un silence de fonctionnement qui sont alors uniques en France. Surtout lorsqu’elle est accolée à la boîte Cotal-Maag à commande électro-magnétique, option proposée en remplacement de la boîte trois vitesses qui figure au catalogue (la Comète prend alors la dénomination F492ES au lieu de F492E, le type n’étant pas alors différencié de celui des berlines). Une centaine de ces modèles sont produits dans cette configuration. Les Comète sont ensuite identifiées en type F2AFM (boîte mécanique) ou F2ASFM (boîte Cotal), modification qui semble coïncider avec le passage de la puissance à 68 ch SAE, au printemps 1952, grâce à l’augmentation du taux de compression et du régime maxi. Lesquels vont encore être revus à la hausse pour, à l’été, offrir 74 ch à la Comète. Tous ces modèles 1952 reçoivent une goulotte de remplissage d’huile inclinée à 40° de la verticale (pas totalement horizontale), soit coudée.
C’est également dans le courant de cette année 1952 que vont être réalisés deux cabriolets Comète quatre places, le premier étant exposé à Paris (couleur claire), le second à Bruxelles (couleur bleu foncé avec intérieur en galuchat). On a, aujourd’hui, perdu leurs traces et ils suscitent les fantasmes de tous les amateurs pour qui ils représentent le Saint-Graal !

L’arrière typique du modèle 1952 avec ses deux poignées sur la malle AR.


Identification
Il n’y a aucune corrélation entre le numéro de fabrication et le numéro de carrosserie. Ni aucune suite logique dans la chronologie de sortie, les caisses étant prélevées sur stock avant d’être soudées sur des châssis eux aussi pris au hasard. Frantz Ley ne connaît ainsi qu’une seule Comète ayant un numéro de fabrication identique à son numéro de carrosserie. Pour ce premier millésime la séquence de numérotation démarre au numéro de fabrication "1" pour s’achever au n° 706. Mais il faut savoir que le 670 a été enregistré par le Service des Mines le 31 octobre 1952 pour l’homologation d’une boîte Pont-à-Mousson et d’une boîte automatique qui ne seront finalement jamais montées.

Le tableau de bord galbé, avec son fond en inox rainuré. Mais sur cette photo prise à Chiberta, vous noterez la présence d’un autoradio Philips, les modèles de série recevant un Firvox.

Présentation haut de gamme pour la Comète qui se retrouve au golf de Chiberta, près de Biarritz, pour affronter la presse et les caresses de deux mannequins.


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Jean-Jacques



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